Avis d’expert : la digitalisation, moteur de la modernisation des échanges maritimes

Publié le: 26 juin 2018
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Pierre Cariou, professeur senior en économie maritime et portuaire à Kedge Business SchoolPierre Cariou, professeur senior en économie maritime et portuaire à Kedge Business School

Pierre Cariou a participé à l’organisation du forum ISLI Supply Chain Emerging challenges in a complex future qui s’est déroulé à Kedge Business School Bordeaux, en mars dernier. Une des tables-rondes animée par Pierre Cariou était consacrée à la digitalisation des chaînes logistiques maritimes. Dominique Lebreton, directeur du développement chez MGI, est d’ailleurs intervenu sur Channel 5 et l’intelligence artificielle. Zoom sur les conclusions de cette table ronde.

Quels sont les effets de la digitalisation sur le secteur maritime ? Dans le cadre du forum, nous avons effectué un panorama de solutions digitales innovantes dans le maritime et nous avons sélectionné trois sociétés représentatives : MGI pour le Cargo Community System Ci5 et Channel 5, Octopi et Shiptify, Chaque société a présenté ses solutions et exposé les challenges pour les mettre en place. La digitalisation induit deux effets : une meilleure efficacité opérationnelle, et l’obtention de connaissances plus fines sur les clients et leurs exigences. En termes économiques, la numérisation cerne mieux la demande et améliore l’offre. C’est pourquoi de nombreux opérateurs maritimes et portuaires ont compris que la clé de la transformation digitale ne résidait plus seulement dans leur faculté à gérer les capacités et améliorer l’efficacité opérationnelle, mais dans leur maîtrise des données : c’est là que le digital est primordial dans un contexte général où l’objectif des acteurs est la restauration des marges.

Quels sont les défis à relever ? A l’issue du forum de mars dernier, nous avons pointé deux handicaps : la multiplicité des acteurs dans une industrie très fragmentée, et l’hétérogénéité des pratiques. Sur ces deux points, les clients interrogés considèrent que leur secteur a pris du retard. De fait, on enregistre pour la première fois une relative déconnexion entre la croissance du PIB et celle des échanges maritimes. Cela illustre la difficulté de notre domaine à intégrer les nouveaux défis ; il s’en trouve pénalisé, ce qui le ramène à la question des marges. Autre exemple : du fait de la multiplicité des acteurs, les contraintes administratives sont de plus en plus fortes et conduisent de nombreux clients à se détourner du maritime.

Une étude des Nations Unies montre que les contraintes administratives liées au maritime seraient similaires à éliminer le tarif douanier en termes de temps passé et de coût. Et si le maritime arrivait par exemple, dans le cadre des échanges Asie-Pacifique, à réduire ces contraintes-là, cela réduirait le temps de transit de 40% et le coût de 30%. On voit bien l’enjeu lié à la coordination des acteurs et à l’harmonisation des pratiques.

De plus, une étude réalisée par Maersk montre que sur certains marchés spécifiques, la moitié du coût du transport provient des actes de gestion et d’exécution de la demande, c’est-à-dire du traitement des données et des contraintes douanières.

Selon vous, quelles sont les trois innovations ou technologies prometteuses ? Toutes les technologies liées à l’excellence opérationnelle ou à la meilleure connaissance des flux sont prometteuses. Ce que fait Maersk, notamment sur la Blockchain, permettra de remplacer des documents papiers par du digital, de fluidifier les informations et de sécuriser les transactions financières.

De même, les innovations liées au Big Data et à l’intelligence artificielle par exemple avec Channel 5, certes davantage focalisés sur l’aspect opérationnel, faciliteront la coordination des acteurs de la chaîne. De grands gisements de gains à exploiter ; les ports et opérateurs portuaires joueront un rôle prépondérant pour assurer l’interface entre le maritime et le terrestre.

Une troisième solution est liée au développement des e-plateformes ou marketplaces comme Freightos ou Xeneta. Ces supports, orientés vers la demande, prennent en compte un grand nombre de clients, alors que les solutions Blockchain, pour reprendre le cas de Maersk, ne bénéficient qu’aux clients de la société les proposant.

Avec l’émergence de ces technologies, on assiste à une bataille entre les armateurs, les opérateurs portuaires, les ports, les logisticiens où chacun veut promouvoir son système, sachant que la clé réside vraiment maintenant, comme nous l’avons évoqué précédemment, dans le contrôle et la capacité à gérer les données, et non plus, comme il y a vingt ans, uniquement dans la capacité à gérer les infrastructures. La digitalisation des chaînes logistiques maritimes est donc stratégique pour rester dans la course et, mieux encore, prendre une longueur d’avance.

PortEconomics est un site créé il y a dix ans par quatre Professeurs en Economie Maritime et Portuaire exerçants en France, en Belgique, aux Pays-Bas et en Grèce. Cette plateforme met à disposition des professionnels et des étudiants les travaux académiques publiés dans les domaines de l’économie et du management portuaire. Aujourd’hui, PortEconomics compte une vingtaine de professeurs basés dans le monde entier, qui enrichissent en permanence le site et proposent également des séminaires de formation.

 

Interview de Pierre Cariou, professeur senior en économie maritime et portuaire à Kedge Business School, et membre fondateur du site PortEconomics. Propos recueillis par Marie Pavesio, responsable communication et marketing chez MGI. 

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